Parmi les nombreux systèmes électroniques que nous utilisons à bord de Spindrift 2 pour naviguer en toute sécurité autour du monde, nous utilisons un GPS (Global Positioning System/ Géo-positionnement par Satellite), un ECDIS (Système de visualisation des cartes électroniques et d’information), un SIA (Système d’Identification Automatique), et un Fleet Broadband.
Ces technologies modernes peuvent calculer notre position à moins de trois mètres, 24 heures sur 24 et par tous les temps, tant que le bateau fournit de l’électricité. Nous pouvons facilement communiquer avec les gens à terre, lire et envoyer des emails, des messages via WhatsApp et ouvrir des sessions Skype. Il n’y a encore pas si longtemps, la communication venant du bord était très limitée, voire inexistante.
La plupart des instruments de navigation utilisent des satellites spatiaux. Notre GPS a un réseau de 24 satellites qui tournent en orbite autour de la terre et transmettent nos positions vers le récepteur à bord de Spindrift 2. Ce GPS calcule notre position (latitude, longitude) selon des principes géométriques et mathématiques. Ce système détermine notre vitesse à partir de notre position, enregistre notre distance parcourue dans un journal de bord et calcule le nombre de milles restant à parcourir jusqu’à la destination pré-programmée. C’est ainsi que, hier matin, nous avons établi un nouveau temps de référence Ouessant-Cap Horn, en traversant trois océans et parcourant 36’500 km (19’500 milles nautiques) en 30 jours, 4 heures et 7 minutes.
Il y a 3 000 ans, les marins embarquaient sur de grands canots qu’ils avaient eux-mêmes construits pour explorer le Pacifique. Les navigateurs traditionnels polynésiens n’avaient ni radio, ni boussole, ni GPS pour se diriger, déterminer leur vitesse et connaître l’heure. Ces navigateurs hors pair avaient pour seul instrument, leur intelligence. En effet, grâce à leur instinct et leur faculté de comprendre la nature, ils avaient développé leurs connaissances maritimes.
Leur « sens de l’orientation » leur servait naturellement puisqu’ils naviguaient sans outil ni instrument. Avant de mettre les voiles, les navigateurs se représentaient mentalement l’itinéraire qu’ils avaient choisi. Leur cerveau faisait office de GPS, ayant une connaissance incroyable des signes de géolocalisation, comme l’emplacement des îles, la trajectoire des vols d’oiseaux, les formations nuageuses, les différentes sortes de vagues et les étoiles. Ils avaient assimilé l’emplacement de quelque 220 étoiles qu’ils pouvaient croiser le long de leurs voyages.
Une fois en mer, les marins suivaient un cap en orientant le bateau pour qu’il soit en osmose avec les vagues. Il fallait être attentif au sens du vent, puisque c’est lui-même qui influe sur les vagues. Les étoiles comme boussole polynésienne, formaient une carte basique qui était essentielle pour se repérer et se diriger. Durant toute la durée de leur traversée, les marins devaient sans cesse contrôler leur vitesse, leur direction, l’heure et le changement de cap.
Les quatre points cardinaux (Nord, Est, Sud et Ouest) étaient localisés en fonction du lever et du coucher du soleil. C’est au crépuscule du matin, le moment le plus important de la journée de navigation, que les marins analysaient l’océan et le caractère de la mer. Au soleil couchant, les navigateurs se souvenaient du vent qui avait tourné et de quelle manière les vagues avaient changé au cours de la journée.
Les étoiles agissaient pour eux comme les panneaux signalétiques tout au long de la nuit. Ils considéraient leur emplacement comme leur maison – l’endroit où elles apparaissaient et disparaissaient au dessus de l’océan.
La formation de différentes vagues, de certains nuages, l’arrivée d’autres oiseaux et les déchets flottants tels que les noix de coco et les plantes, donnaient aux marins l’indication qu’ils approchaient des terres. Après une longue période passée en mer, on peut normalement aussi sentir la terre dont on se rapproche.
Pendant des siècles, ce remarquable savoir sur la navigation a été transmis de génération en génération à travers des chants. Aujourd’hui, tout cela a pratiquement disparu à cause de l’émergence de la technologie occidentale. Au début des années 1960, on s’est demandé s’il avait été possible de naviguer sur un canot, sur des milliers de milles, sans aucun instrument de navigation contemporain, à la recherche des îles du Pacifique. C’est extraordinaire de penser que les anciens marins polynésiens pouvaient trouver et retrouver l’île de Pâques, ce petit caillou de seulement 103 Km2, perdu dans ce vaste océan. Lorsque j’ai travaillé avec le peuple Rapa Nui sur la création d’une réserve marine autour de l’île de Pâques, ils avaient l’air convaincu que leurs ancêtres avaient découvert l’île de manière intuitive et s’y étaient ensuite installés – formant ainsi la colonne vertébrale des communautés de l’intérieur des mers.
Il y a des preuves d’explorations et de commerce, de l’est de la Polynésie vers d’autres îles du Pacifique. L’art, la langue, la biologie, les traits et les traditions culturelles suggèrent que le peuple Rapa Nui de l’île de Pâques, les Maoris de la Nouvelle-Zélande et la communauté hawaïenne, auraient tous les mêmes ancêtres qui seraient venus de Polynésie dans leurs pirogues.
En 1976, une équipe de canoéistes hawaïens a construit une réplique exacte d’une pirogue polynésienne du nom de Hokule’a. Ils ont navigué de Hawaii à Tahiti, en utilisant uniquement des techniques de navigation ancestrale. La nuit, le chemin des étoiles et le rythme de l’océan les guidaient ; le jour, la couleur du ciel, le soleil, les formes des nuages et des vagues, les accompagnaient. Après plusieurs jours passés en mer, ils ont déterminé le jour exact de leur arrivée – plutôt surprenant car malgré toute la technologie dont on est équipés, cela reste très difficile à faire.